▬ Tout le monde le sait, on ne nait pas vampire, on le devient... L'histoire de Jude ne débute donc pas dans le corps de cette créature avide de sang et de mort. Non, il a bel et bien été une personne normale. Enfin ... si on peut dire.
A la naissance de l'enfant, James, le père de Jude, était à la fois très heureux et extrêmement malheureux. Mariage arrangé, les deux parents avaient finalement réussi à développer des sentiments l'un pour l'autre. De là à dire qu'il s'agissait d'amour, peut-être pas mais ils éprouvaient un grand attachement réciproque. Ils voulurent un enfant pour conclure leur alliance mais aussi parce que leurs familles le leur imposait, pour l'héritage. Aileen, car tel était le nom de la mère de Jude, eut beaucoup de mal à tomber enceinte. A l'époque, on ne pouvait pourtant pas dire que c'étaient les moyens de contraception qui perturbaient les cycles menstruels ! La jeune femme avait peut-être un soucis, jamais on ne le sut surtout qu'elle parvint finalement, au bout de trois années de tentatives à tomber enceinte. La grossesse se passa très bien et l'enfant naquit sans soucis ... à un détail près puisque Aileen décéda en couche. Jude poussa son premier cri qu'elle laissait s’échapper son dernier soupire.
James s'apprêtait à sombrer dans la dépression, ne voulant soudain plus de cet enfant qui lui avait pris sa femme. Mais sa famille lui fit prendre conscience qu'il y avait un peu d'Aileen dans ce petit être qui venait de naitre et que maintenant, il devait prendre soin de lui comme ils avaient prévu de le faire à deux.
Les premières années de la vie de Jude se passèrent donc plutôt bien ; l'enfant avait l'air parfaitement normal, il allait vers les autres et semblait parvenir à s'entendre avec tout le monde. On avait pourtant souvent dit à James que les enfants vivant sans la présence d'une mère finissait mal mais il ne voulait pas le croire ! Il pourrait bien faire ... Il voulait bien faire...
Il avait même refusé de se tourner vers une nouvelle femme ; il ne voulait pas remplacer Aileen. Avec le recul... peut-être l'avait-il aimé finalement !
C'est lorsque Jude eut huit ans que tout commença à basculer et personne ne compris comment ni pourquoi. Sans doute Jude le sait-il mais jamais il n'en parla...
James, malgré l'arrangement du mariage, n'était pas extrêmement riche, il n'avait donc pas les moyens de payer un précepteur à son fils. Il allait donc dans la petite "école" de la paroisse. L'enseignement n'était pas de haute qualité à ce qu'il avait pu en juger mais au moins son fils recevait un minimum de culture ou c'était ce qui lui paraissait. Lui n'avait pas le temps de s'en occuper...
Un après-midi qu'il était chez lui en train de régler des comptes, on frappa chez James qui alla ouvrir la porte. On lui demanda de venir en toute hâte à l'école car il y avait un problème avec son fils. Fou d'inquiétude, il suivit le messager qui ne lui avait rien appris de plus que cela. Arrivé au bout de la rue, il pénétra dans le petit bâtiment et vit alors son fils, les vêtements ensanglantés autant que ses mains et il avait également du sang qui lui coulait le long de la lèvre. Effaré, il courut vers lui et demanda au curé qui gérait les enfants :
« Bon sang ! Mais qui lui a fait ça ? »
Bien sûr, il ne comprit pas l'air terrifiée de l'homme d'église qui ne devait pas avoir plus de 35-36 ans. Le jeune curé se contenta de montrer le seau non loin de Jude du bout du doigt, visiblement incapable de parler. Dedans, s'y trouvait un coq baignant dans son propre sang, déplumé à la gorge et avec des traces de dents à ce niveau. On aurait dit qu'un ourson avait tenté de lui faire son affaire. A son tour James posa un regard effrayé sur son fils. Jude avait l'air calme lui mais cela durerait-il ?
« C'est toi qui a fait ça ? »
L'enfant se contenta d'un hochement de tête. Oui, c'était bien lui qui avait égorgé ce pauvre animal qui ne lui avait pourtant rien fait. Et il ne semblait pas perturbé plus que ça contrairement à son père qui était désemparé.
Jude ne fut pas puni pour son acte. James ne croyait pas qu'il avait réellement pu faire ça. Il laissa donc couler, attendant de voir si un autre phénomène du genre se produisait. Dans le fond, l'homme ne voulait pas donner raison aux personnes qui lui avaient dit qu'il ne pourrait pas élever son fils seul...
Trois ans passèrent sans qu'aucun autre évènement ne se produise. James en était donc persuadé, c'était une mauvaise blague qu'on avait voulu leur faire. En tout cas, depuis ce temps, il se méfiait de tout le monde. Jude quant à lui développait de plus en plus son caractère et il lui arrivait de faire de grosses colères. Bien souvent, sans raison apparente, comme une pulsion. Il baffa une camarade comme ça une fois mais elle avait eu le réflexe de reculer au bon moment et ne s'était pris qu'un coup dans le nez. Heureusement car visiblement actif, le jeune garçon faisait déjà beaucoup de sport et il était relativement musclé pour son âge.
Mais cette baffe n'était pas tout. Jamais encore le sujet d'Aileen n'était venu sur la table entre les deux hommes. James s'attendait à ce que ça arrive un jour mais le plus tard possible. Ce fut ce soir-là... Et on aurait pu croire que le père avait eu le temps de préparer son discours mais hélas, il n'était pas très doué pour parler des choses de la sorte et c'est là qu'il fit une énorme bourde.
Jude demanda pourquoi, contrairement aux autres enfants, il n'avait pas de maman... Et la réponse de James fut très mal tournée si bien que Jude compris qu'il était responsable de la mort de sa mère et que son père l'accusait de cela. D'abord tous deux calmement installés dans des fauteuils face à face ; Jude jaillit soudain du sien pour sauter au cou de son père.
« Non non non !! C'est pas moi ! C'est ta faute ! C'est toi, c'est toi ! »
Il secouait son père en le tenant par le col de sa chemise et essaya de le mordre à plusieurs reprises. James, dépité par sa bêtise et par la réaction de son fils avait les larmes aux yeux et ne savait que faire. Il fallait pourtant que l'enfant se calme. Pour la première fois de sa vie, il attrapa son fils par la ceinture de son pantalon et le claqua fortement. Les cris cessèrent aussitôt mais le regard que Jude lança à son géniteur voulait tout dire... Il lui en voulait désormais ; rien n'était moins sûr !
Jusqu'à ses seize ans, tout sembla se passer normalement à ceci près que les relations avec James n'étaient plus au beau fixe. Dès qu'il en avait l'occasion, il lui faisait des reproches et ça partait toujours en disputes entre eux deux. Le père était à bout de force, il voulait que son fils quitte la maison pour que tout cela se calme, tant pis s'il se retrouvait seul. Il n'était plus tout jeune, il ne pouvait plus supporter toute cette pression et toute cette colère. Mais bien sûr, esprit de contradiction qu'il était, Jude restait... Dans le plus grand secret donc, James organisa un mariage entre son fils et une fille très bien qui possédait une dot assez sympathique. Jude fut au courant au dernier moment, il n'avait jamais vu sa femme avant le mariage. Elle était assez jolie certes mais ça ne l'empêcha pas d'éclater dans une colère noire ; mais ce jour-là, il ne fut pas celui qui fut frappé mais celui qui frappa et ça, son père s'en rappellerait toujours. Le mariage eut tout de même lieu pour la simple et bonne raison que, finalement, Jude non plus ne voulait plus rester avec son père mais il ne pouvait se résigner à lui faire plus de mal que ce qu'il venait de faire.
Jamais Jude n'éprouva le moindre sentiment pour sa femme. Cela dit, pour faire taire les gens qui les entouraient, il lui prit sa virginité. Ce fut la seule fois où il la toucha de la sorte. Non pas qu'il n'avait pas aimé mais il ne voulait rien faire avec elle, il ne l'avait pas choisie, aussi jolie soit-elle. Pour la jeune femme, Sarah, il était clair que ce n'était pas la vie rêvée. Jamais son mari n'était présent puisque tous les soirs il sortait pour aller elle ne savait où... Lui savait... Entre une fille croisée au coin d'une rue, la fille de la voisine ou les putains de la taverne deux rues plus loin, il était occupé tous les soirs.
Bien des années passèrent avec ce train de vie où Jude ne travaillais pas ni sa femme, où ils ne se voyaient que le jour car la nuit, Jude sortait et d'après lui, la nuit, il vivait... Il ne voyait plus son père pour qui il éprouvait de la rancœur. D'après ce qu'on savait, aucun évènement du même acabit que le coq ne se produisit .... D’APRÈS CE QU'ON SAVAIT ! Jude n'en parla jamais et personne ne saura donc.
Plus ça allait et plus la vie que Jude menait le lassait. Oui il aimait sortir avec des tas de filles et leur donner du plaisir mais il voulait plus, bien plus ... Et surtout, il ne voulait plus de sa femme qui l'ennuyait tous les jours. A défaut de coucher avec lui, elle voulait faire des balades romantiques ou des activités à deux. Non ... clairement non ; ce n'était pas fait pour Jude. Las donc, il décida d'en finir avec tout cela. Le jour de ses trente ans, sa femme lui avait préparé une surprise. Elle l'attendait dans la chambre dans une petite tenue dénudée, bien décidée à revivre leur première nuit d'amour mais en lui donnant cette fois un héritier. Jude n'en voulait pas, les enfants ne causaient que des soucis... Et déjà qu'il ne voulait pas de la mère alors l'enfant ? Certainement pas. Cela dit, fourbe qu'il est, il s'approcha d'elle, un regard avide... Mais ce n'était pas d'attente de l'amour mais plutôt ... d'attente de tuer. Il lui attrapa la nuque tendrement et déposa un baiser dans son cou puis, passant les doigts dans ses cheveux, les entremêlant, il serra brusquement tout en plaquant sa main libre sur la bouche de la jeune femme. Elle ne pourrait pas crier. Personne ne l'entendrait mais elle souffrirait, c'était certain. Le baiser dans son cou se transforma en morsure et il mordait si fort qu'une goute de sang coula le long de sa poitrine dénudée. Non, il n'était pas encore vampire, il ne croyait même pas à ses choses là mais le goût du sang lui avait toujours plu et celui-ci était délectable.
Trouvant un objet pointu - une aiguille à tricot - non loin du lit, il le planta à plusieurs reprises dans l'abdomen de sa femme. Du sang s'en échappa et Jude en fut recouvert. C'était étrange certes mais il aimait ça. C'était un plaisir pour lui que d'avoir le sang de quelqu'un d'autre sur le corps. Quand Sarah rendit son dernier souffle, il la regarda avec un peu de recul... A présent, il la trouvait belle ...
Il la laissa là et alla se laver rapidement, juste histoire de ne plus être couvert du liquide ferreux mais il gardait toujours l'odeur sur lui ; il préférait au fond. Il rassembla quelques affaires et descendit aux écuries où il sella leur étalon le plus rapide et il quitta sa maison ainsi... Il quitta aussi la ville. Il partait, il ne savait pour où mais il partait. Il dormit sous un pont cette nuit-là, ayant galopé jusqu'à ce que la fatigue le gagne au milieu de nulle part.
A son réveil ... tout avait changé. Sa vision du monde, l'odeur du sang sur lui, sa sensibilité ... Il n'avait rien senti pourtant, tout avait dû se passer très vite et il devait être plus que fatigué... A moins que, il ne voulait l'avouer mais ... il se pouvait très bien qu'il se fut réveillé puis qu'il tomba dans les pommes au moment de la morsure mais cela resterait un mystère !
Au milieu de nulle part, un vampire solitaire et affamé était sans doute passé par là. Il aurait pu vider Jude de son sang mais il préféra faire de lui l'un des leurs. Sans doute avait-il ressentit le plaisir que l'homme avait à tuer ... Nul ne le saura jamais puisque celui ayant engendré le nouveau vampire était partit. D'ailleurs, Jude ne comprit rien de ce qui lui arrivait vu qu'il ne croyait pas à ces histoires. Il ne supportait plus le soleil ! Voilà la meilleure de l'année. Il resta donc couvert et sous son pont toute la journée, attendant que la nuit ne tombe... Mais plus il attendait plus il avait faim et tout ce qu'il avait emmené comme nourriture et qu'il avait gouté ne le calait pas et ne lui faisait même pas envie. Non ... il avait envie de sang et du sang frais...
Ce soir-là, il se restaura de son étalon mais n'en fut pas réellement rassasié. Ce fut là le début d'une longue vie de vampire sanglant. Il mit du temps à comprendre tous les mécanismes de sa nouvelle condition et surtout à tenter de comprendre pourquoi celui l'ayant engendré avait pris la fuite ainsi. Il l'avait transformé durant son sommeil, il n'y avait aucune gloire à en retirer... Sans doute est-ce pour ça qu'il n'aime pas ceux de sa race et qu'il se refuse à transformer qui que ce soit...
Les vampires sont éternels, ils ne peuvent mourir - oui à moins de quelques stratagèmes mais jamais on ne tenta de tuer Ju' ou alors il s'en sortit toujours vainqueur - il eut donc le temps de faire plusieurs fois le tour de la Terre. Il visita tous les pays qui lui faisaient envie et y dévora nombre de compatriotes.
Au bout de la première centaine d'années, il était toujours considéré comme un jeune vampire et avait découvert nombre de ses capacités mais il y a toujours des vices cachés. Et il en découvrit un alors qu'il s'apprêtait à être vaincu par un autre vampire. En effet, le combat avait débuté dans une ruelle sombre et les deux créatures avaient commencé à se battre car elles convoitaient la même proie. Jude était sur le point de se faire avoir comme un débutant quand une boule de feu se forma dans sa main. Il en fut des plus surprit mais aussi des plus heureux. Sans trop savoir comment, il parvint à la lancer sur son congénère qui finit dans un tas de cendres.
Il a désormais bientôt 300 ans et il ne souhaite pas passer ce cap. Ça peut paraitre stupide mais 300 ça ressemble à 30 et il ne tient pas à se rappeler cet évènement même s'il l'avait apprécié à l'époque. Il a mûri depuis et il est plus stable. Désormais établi dans une ville riche des États-Unis, il a son "commerce" qui lui permet une vie agréable puisqu'il a pu, grâce aussi à ses économies des trois-cent dernières années, se payer une somptueuse villa avec vue sur la ville. Entièrement faite de baies vitrées, elles sont recouvertes de stores opaques la journée et totalement découvertes la nuit pour laisser place à un spectacle somptueux.
Reconnu dans le monde de la drogue, il a su se faire un nom et oublier son passé même s'il le hante toujours. Heureusement qu'il ne peut plus voir son reflet dans le miroir car on lui avait souvent répété qu'il ressemblait à son père.
Son petit business lui permet d'être en relation avec pas mal de monde et il entend parler. Il se sait aussi en relation avec des créatures magiques, tout comme lui. Il ne les pensait pas aussi nombreuses et se trouve du coup un peu bête de ne pas y avoir cru lorsqu'il était jeune ! Et ce sont donc ces relations qui, au cours des siècles, lui ont permis d'entendre parler d'une certaine Prophétie. Il ne sait pas grand chose sur elle mais une chose est certaine : il la convoite. Il a cru comprendre qu'elle était porteuse d'un grand pouvoir, c'est tout ce dont il a besoin... Maintenant qu'il a gouté au feu, il veut plus ... encore plus !